Le Jardin des sculptures, Château de Bois-Guilbert, vaste espace de poésie créé par Jean-Marc de Pas, sculpteur, sur ses terres d’enfance depuis 1985, fidèle au Festival Normandie impressionniste, accueille cette année une exposition de peintures « Les petits maîtres et la Seine-Maritime » du 1er juillet au 15 novembre 2020, avec le commissariat d’exposition de Michel Prigent.

Riche de ses villes anciennes et animées, de ses campagnes vertes, de son littoral unique, aux falaises de craie, aux valleuses et aux ports à l’histoire séculaire, la Seine-Maritime est aussi un département attirant pour les artistes et écrivains. De longue date, les plus grands peintres sont venus ici chercher l’inspiration et ont planté leur chevalet pour restituer les couleurs changeantes, les reflets de la Seine, de la Manche et l’emblématique luminosité de la côte d’Albâtre. La Normandie n’est pas devenue par hasard le berceau de l’impressionnisme. C’est la conjonction de cette lumière d’exception et des peintres formés ici, de Rouen au Havre, qui a permis une telle éclosion de talents multiples depuis un siècle et demi.

Bien sûr, on pourrait citer les plus grands maîtres de l’impressionnisme, Monet, Renoir, Pissarro, Guillaumin,… puis les maîtres issus de l’école des beaux-arts du Havre : Dufy, Braque, Friesz… mais, ici, cherchons parmi les autres, moins connus, ces artistes, amis et proches des grands, pour certains. Ces « petits maîtres », comme on les nomme, ont eu leurs aînés pour modèles, surtout lorsqu’ils les ont côtoyés. Ainsi, à Rouen, les élèves de l’Académie Delattre, et ceux qui ont suivi l’enseignement de l’Aître Saint-Maclou (l’école des beaux-arts), notamment du maître Zacharie, sont devenus les meilleurs illustrateurs de leur ville et du département, par leur talent et leur amour des lieux. Déjà, au XIXe siècle, Eugène Berthelon était remarqué pour ses marines au Tréport et Louis Garneray excellait dans ses représentations des ports de Rouen et du Havre. Antoine Pinchon, Joseph Delattre, Maurice Louvrier, Pierre Dumont et Narcisse Guilbert ont été les meilleurs ambassadeurs de la capitale normande, dessinée et colorée par leurs crayons et pinceaux durant des décennies. Ils ont été suivis par Georges Cyr, Léonard Bordes, Pierre Le Trividic, Aline Le Mouton, Alfred Dunet, Magdeleine Hue, et combien d’autres. Tous ces peintres se sont évadés de la ville pour chercher avec bonheur l’inspiration dans les campagnes, celles du Pays de Caux, dans les forêts et sur la côte. Dieppe, Fécamp, Diélette, Veules-les-Roses, Etretat, n’avaient pas de secrets pour eux et les couleurs étalées sur leurs palettes en témoignent. Gaston Sébire, Jeff Friboulet, Roger Tolmer, Jean Bréant, Lionel Vergetas, Frank Innocent, n’ont eu de cesse de réinterpréter, chacun avec son style, les lumières, les contrastes et les reflets de leur département.

Le but de cet événement est donc là : montrer les qualités de ces petits maîtres régionaux, pétris de ce talent forgé sur place, entre Rouen, Le Havre et Le Tréport. Cette exposition ouvre ses portes à une sélection de ces artistes talentueux, souvent marqués par l’impressionnisme et fréquemment classés post-impressionnistes, tous attirés par une représentation des couleurs de la Seine-Maritime. Faisons abstraction des signatures les plus connues et des valeurs établies par le marché de l’art. Prenons le temps d’observer les œuvres, avec l’objectivité d’un regard neuf, uniquement concentré sur les compositions, la palette, le dessin… donc sur l’émotion suscitée par le talent et la sensibilité de ces artistes, autrement dit, ces « petits maîtres » qui nous sont si chers. L’occasion leur est donnée, aujourd’hui, de montrer l’étendue de leur talent.